Ce portail est conçu pour être utilisé sur les navigateurs Chrome, Firefox, Safari et Edge. Pour une expérience optimale, nous vous invitons à utiliser l'un de ces navigateurs.

Un département en ruines


Le 11 novembre 1918, l’armistice marquant la fin des combats de la Première Guerre mondiale et entérinant la victoire des Alliés est signé.  


Les foyers détruits. Dominique Charles Fouqueray, Paris : Devambez, s. d. 21 Fi 1688

Après 4 ans de guerre, les dégâts sont considérables : près de 1 400 000 soldats français ont été tués et 4 000 communes endommagées

Les ruines de Cormicy. Cette commune est entièrement détruite en 1918. Carte postale. Éd. L. Michaud Phototypie J. Bienaimé, [après 1918]. 2 Fi 171/14

Situé sur la ligne de front, le département de la Marne a été très éprouvé tout au long du conflit et doit faire face à des destructions sans précédent. Très vite, après la joie de la victoire, se fait donc sentir l’urgence d’une reconstruction rapide. Pour la mener à bien, il faut d’abord recenser précisément ce qui a été détruit ou endommagé. 

Ce recensement incombe aux services de la reconstitution qui, dès 1919, lancent des enquêtes portant sur l’état des communes et des écoles, le nombre de victimes civiles des bombardements ou le coefficient de destruction des territoires. 

D’après ces enquêtes, 378 communes ont été endommagées, 184 détruites à moitié ou plus, et 36 entièrement. Seules 124 communes n’ont subi aucun dégât. Plus de 250 000 hectares de terres sont à déblayer et déminer, tandis que 132 ponts ont été rasés et 732 usines dévastées. Environ 7 400 puits et 160 kilomètres de voies ferrées doivent être remis en état. Quant aux écoles, seules 137 sur les 422 d’avant-guerre sont ouvertes en décembre 1918. Au total, c’est 69% du territoire marnais qui est à restaurer. 

Les locaux de l’école de Cuchery sont ravagés. À cette liste, s’ajoutent 2 poêles, 4 tableaux noirs, 22 tableaux illustrés, 1 globe, 1 boulier, des jeux pour la classe (cerceaux, loto…) et une bibliothèque de 235 volumes. Il faut remplacer les manuels scolaires, les cahiers et les fournitures. 1 T 827

Dans le département, deux zones se distinguent comme les plus meurtries : la zone de la ligne de front, future zone rouge, dont la terre a été tellement malmenée qu’elle est désormais inexploitable ; la ville de Reims, qui a subi 1 051 jours de bombardements et représente 2,26% des destructions de tout le territoire français. Dès le début de la guerre, suite à l’incendie de la cathédrale, le 19 septembre 1914, la ville était considérée comme une ville martyre. À la fin du conflit, les destructions subies confirment ce statut. Tous les monuments historiques ont été touchés et 8 625 immeubles sur les 13 800 existants avant-guerre sont complètement détruits. La ville est rasée à 60%. En outre, les bombardements ont causé la mort de 740 Rémois.  

Le bilan humain est lui aussi élevé : environ 15 000 Marnais sont morts pour la France et au moins 240 000 soldats ont péri sur le territoire de la Marne. 

Les traces de la guerre


Pour pouvoir reconstruire, il faut d’abord déblayer les sols et en retirer les ruines et nombreux déchets de guerre qui s’y sont accumulés.  


Les quatre années de guerre ont rendu l’ampleur de la tâche énorme, la France à elle seule ayant fabriqué plus de 20 milliards de munitions. Dès août 1919, le ministère des Régions Libérées crée en préfecture un Service de la reconstitution du sol et des déblaiements, chargé du suivi des travaux de remise en état du sol, d’enlèvement des fils de fer, de comblement des tranchées et de destruction d’engins non explosés, en coordination avec le Service militaire de la récupération des munitions de la 6e région.

Le déminage. Affiche. Paris : impr. Cornille et Serre, [vers 1919]. Ad II 202

La tâche est périlleuse, car de nombreuses munitions sont encore actives. De ce fait, ce sont surtout d’anciens soldats ou des prisonniers de guerre qui s’y attèlent, systématiquement accompagnés d’un artificier, civil ou militaire. Cependant, leur nombre est insuffisant et des accidents se produisent très régulièrement, au fur et à mesure du retour des habitants. À Reims, il y a un accident par jour au mois d’août 1919. Ces incidents encouragent l’État à renforcer sa politique de prévention et à accélérer les opérations. 

Après 1920, et le départ des prisonniers, une main d’œuvre allemande continue d’être employée à moindre coût par l’État français, qui ne peut pas lui confier des travaux de reconstruction, les habitants refusant de voir leur ville rebâtie par l’ancien ennemi. Elle est donc principalement chargée de déblayer et nettoyer le sol des déchets métalliques.

Le désobusage avance rapidement et, au 1er janvier 1921, le préfet considère qu’il ne reste que 28 communes à déminer et que 235 000 hectares de terre ont été assainis. Ce sont déjà 500 000 tonnes de munitions qui ont été détruites. Le danger principal a été écarté. L’État se désengage alors progressivement de cette mission, qu’il confie à des entrepreneurs privés.

Le déblaiement total des communes avance plus lentement, car il est moins urgent pour la sécurité des personnes et ne peut intervenir qu’une fois la première étape achevée. Ainsi, à la fin de l’année 1921, les réseaux de tranchées ont certes été comblés sur plus de 210 000 hectares, mais seules 78 communes sur 236 sont entièrement déblayées. Il faut attendre 1926 pour que la remise en état du sol soit considérée comme achevée, et 1930 pour que toutes les communes du département soient entièrement nettoyées. 

La vie au provisoire


Parallèlement aux déblaiements, l’État facilite la réinstallation des habitants dans le département, amplement évacué après la seconde offensive de la Marne, de mars à juin 1918.  


Il faut assurer aux Marnais des conditions de vie convenables : un toit, de quoi manger, se déplacer, étudier et se soigner. 

La fin de la guerre n’est pas la fin des restrictions ni celle des aides de l’État. Au 1er août 1919, il existe 30 centres de ravitaillement dans le département, pour les produits de première nécessité. Les réquisitions sont encore nombreuses, augmentant le prix des aliments, comme les pommes de terre ou l’avoine. En outre, les matières premières ne suffisent pas, puisque des communes comme Époye ou Bétheniville reçoivent de la farine mais n’ont plus de four à pain pour l’utiliser.

Damoy contracte avec l’administration dès 1918 pour assurer le ravitaillement des populations. Il utilise des baraquements militaires abandonnés comme dépôts. Épernay : impr. spanarcienne. 203 M 145

La question des infrastructures est également primordiale et la remise en état des routes, voies ferrées, ponts et cours d’eau doit permettre d’acheminer les vivres, abris et matériaux nécessaires à la reprise d’une vie normale. À cet égard, l’exploitation de la voie de 0,60, utilisée durant les années de guerre entre le front et l’arrière, prête à l’emploi, se poursuit jusqu’en 1925 tandis que le réseau de chemin de fer local est vite amélioré et sert sur toute sa longueur dès la fin de l’année 1920. À cette date, 147 ponts provisoires ont été installés, 11 sont définitivement reconstruits et 23 sont en cours de reconstruction.

Le district de Suippes emploie environ 600 ouvriers courant 1920. Il dépend du Service des Travaux d’État, chargé de la construction d’abris, de la remise en état du sol ou de la réparation d’immeubles. Suippes : éd. Brunelet nouveautés ; Paris : impr. Le Deley. 2 Fi 559/121

Bien souvent, du fait du manque de matériaux et des délais de construction, les administrations et les particuliers doivent s’installer temporairement dans des baraques. Au 1er janvier 1923, ce sont près de 9 000 abris, permettant de loger 38 516 personnes, qui ont été construits par les Services des Travaux d’État. Les baraques accueillent aussi les édifices publics : 328 mairies ou écoles marnaises y sont installées au 1er mars 1921 et 56 écoles s’y trouvent encore en janvier 1924. Grâce à ces installations, le service scolaire se rétablit peu à peu, puisque 14 mois après l’armistice, 197 écoles ont rouvert, avec un mobilier et du matériel parfois de fortune. 11 888 élèves y ont déjà repris les études.

Repeupler les terres dévastées


Les années de reconstruction sont également celles du repeuplement de la Marne. À la fin de la guerre, les habitants commencent à revenir, tandis que des hommes et femmes venus d’ailleurs arrivent en continu pour aider à rebâtir le département.


Les Marnais évacués dans d’autres départements pendant la guerre doivent faire une demande de rapatriement auprès de la préfecture pour pouvoir rentrer chez eux. Cette étape doit éviter un afflux massif et rapide de réfugiés, difficile à gérer. Entre août 1918 et avril 1919, la préfecture enregistre 15 960 demandes de rapatriement. 203 M 79

Les Poilus, démobilisés progressivement, rentrent chez eux et cherchent leur place dans la société, après une longue absence. Sur le plan de l’emploi, la loi du 22 novembre 1918 oblige les entreprises encore en activité à reprendre leurs anciens salariés. Mais beaucoup n’ont pas cette opportunité, car nombre d’usines ont été détruites. Face à ces difficultés, l’État offre des secours aux démobilisés : une prime de démobilisation est versée à chacun pour faciliter sa réinstallation et des comités d’assistance départementaux sont chargés de répartir des subventions, notamment en faveur des hommes recrutés dans les départements libérés. 

Lors du recensement de 1921, la Marne compte 366 734 habitants, soit 70 000 de moins qu’en 1911, et autant que dans les années 1840-1850.

Les tâches nécessaires à la reconstruction des régions libérées sont pénibles et dangereuses.
Cela n’est pas sans risque pour les travailleurs étrangers, comme en témoignent les affaires personnelles de Miguel Gil Faubel, ouvrier espagnol près de Dontrien, venu seul en France et décédé des suites d’un accident de travail, à l’âge de 28 ans. Faute des contacts nécessaires, ses affaires n’ont pu être renvoyées à ses proches. R provisoire 1259

Parmi la population, une part croissante est constituée de travailleurs immigrés, qui compensent une main d’œuvre locale largement insuffisante. Si on a d’abord recours aux prisonniers de guerre, surtout allemands, ceux-ci ne suffisent pas à combler durablement les besoins : les 22 000 prisonniers présents dans le département en avril 1919 sont rapatriés dès le début de l’année 1920. L’État, puis le secteur privé, après le désengagement du premier, font alors appel à des travailleurs immigrés venus de toute l’Europe, et plus particulièrement d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Belgique et de Pologne. En 1926, le nombre d’étrangers dans le département s’élève ainsi à 26 000 et a presque triplé depuis 1911, représentant 5,5% de la population totale

Revenir à l'accueil ou découvrir les autres parties de l'exposition (parties 2 et 3) :

Ce site utilise des cookies techniques nécessaires à son bon fonctionnement. Ils ne contiennent aucune donnée personnelle et sont exemptés de consentements (Article 82 de la loi Informatique et Libertés).

Vous pouvez consulter les conditions générales d’utilisation sur le lien ci-dessous.

En savoir plus